lundi 8 juin 2015

AFFECTIONS DERMATOLOGIQUES DE LA BOUCHE


INTRODUCTION





La pathologie de la cavité buccale est un domaine extrêmement vaste et complexe qui se partage entre la Stomatologie et la Dermatologie. Elle constitue donc une pathologie frontière type puisque l’on retrouve aussi bien des atteintes muqueuses d’affections cutanées pouvant toucher par ailleurs d’autres régions muqueuses, comme les zones génitales ou, plus spécifiques au revêtement épithélial des muqueuses buccales, comme la langue, sans oublier les problèmes plus strictement stomatologiques.

Nous nous limiterons au vaste chapitre des érosions et ulcérations buccales et aux pathologies courantes que le practicien sera amené à rencontrer.
Les causes d’érosions et ulcérations buccales sont extrêmement variées et restent de diagnostic souvent difficile, même pour de banals aphtes. Les signes cliniques sont souvent trop peu spécifiques pour obtenir un diagnostic de certitude et nous devrons bien souvent préciser le diagnostic non seulement par un interrogatoire poussé et des bilans biologiques, mais également par une biopsie cutanée avec immuno-fluorescence directe et indirecte, voire un immunoblot.

APHTES ET APHTOSE


Nosologie

Les aphtes buccaux peuvent être isolés (aphtes vulgaires ou communs et aphtosebucco-pharyngée) ou s’inscrire dans le cadre d’une aphtose atteignant d’autres organes (maladie de Behçet ou grande aphtose de Touraine, aphtes cutanéomuqueux). Ils peuvent être sporadiques (aphtes) ou récurrents (aphtose), banals ou sévères.


APHTES

Epidémiologie

Les aphtes buccaux vulgaires sont très fréquents et on considère qu’ils touchent plus ou moins 50 % de la population à un moment donné de la vie contre 10 % pour l’aphtose bucco-pharyngée récurrente. L’âge d’apparition varie de «7 à 77 ans». Ils peuvent être favorisés ou déclenchés par des facteurs alimentaires (agrumes, noix, noisettes, fromages gruyère,…), psychiques (stress, fatigue), traumatiques (irritation par le tartre…) ou par les périodes menstruelles, les infections (herpès, VIH, streptocoque, état bucco-dentaire déficient) et des facteurs toxiques (organochlorés,…).
Si les aphtes vulgaires semblent toucher les deux sexes de façon équitable, l’aphtose atteint par contre plus particulièrement les femmes. L’hérédité joue également un rôle puisque les études ont montré que si les deux parents souffrent d’aphtose il y a 90 % de chance que les enfants en soient également atteints. Cette probabilité tombe à 20 % si aucun des parents n’est touché.


Clinique


Le diagnostic reste cliniquement difficile car les lésions manquent souvent de spécificité. Classiquement, ils sont décrits comme des ulcérations nécrotiques inflammatoires à fond jaune. On peut en distinguer plusieurs types.
Les aphtes vulgaires sont des ulcérations douloureuses rondes ou ovalaires, de quelques mm de diamètre, à fond nécrotique jaunâtre en forme de cupule et entouré d’un halo érythémateux. Leur nombre varie entre 1 à 5 éléments (parfois plus) qui se répartissent le plus souvent sur les faces internes des lèvres, des joues, la muqueuse vestibulaire, la langue mais aussi le plancher buccal, l’oropharynx, le palais et parfois la demi-muqueuse des lèvres. Souvent précédés d’une phase prodromique ressentie comme des picotements, ils évoluent par poussées et guérissent spontanément en une à deux semaines sans cicatrices.
On distingue également d’autres formes d’aphtes. Les aphtes miliaires sont caractérisés par une taille inférieure au millimètre, un grand nombre de lésions et une certaine tendance à la confluence: d’autres, par contre, peuvent prendre des dimensions pouvant atteindre quelques centimètres : ce sont les aphtes géants  qui se distinguent par leur contour plus irrégulier, leur base fréquemment infiltrée et leur longue évolution (1 à 12 mois), pouvant laisser, lors de la guérison, des cicatrices fibreuses rétractiles et mutilantes.


Physiopathologie

Il s’agit d’une vascularite d’origine encore inconnue. L’histologie nous donnera une image variable en fonction du stade évolutif. A la phase d’état (ulcération), on pourra observer une image de vascularite avec leucocytoclasie, un infiltrat polymorphe et des thromboses.


Diagnostic différentiel

Souvent difficile. Nous n’envisagerons que les diagnostics les plus importants:
* infections virales :
- primo-infection herpétique
- herpangine
- main-pied-bouche et autres coxsackies
- VIH
- CMV (ulcération à l’emporte-pièce, linéaire)
* infections bactériennes :
- gingivo-stomatite streptococcique
- syphilis I et II (et autres tréponématoses)
- gonocoques
* érosions post-bulleuses :
- érythème polymorphe
- pemphigus
- pemphigoïdes bulleuses
* affections diverses :
- lichen érosif
- lupus érythémateux disséminé
- traumatique (doit guérir en 10 jours; ex.: morsure après anesthésie locale en dentisterie)
- toxidermies: méthotrexate (Ledertrexate®), azathioprine (Imuran®), izoniazide (Nicotibine®), acide acétylsalicylique, cotrimazole (Bactrim®, Co-trimoxazole®,Eusaprim®), hydroxycarbamide (Hydréa®), D-pénicillamine (Kélatin®),…

Autres causes d’ulcérations aiguës

- Papillite linguale : nouvelle entité récemment décrite caractérisée par une inflammation douloureuse des papilles fongiformes, essentiellement localisée à la pointe et sur les bords latéraux de la langue; l’affection débute souvent chez l’enfant, pouvant par la suite donner une atteinte familiale; origine virale
probable. Traitement : symptomatique; à distinguer des aphtes miliaires.

- Érosions muqueuses spécifiques du syndrome hyperéosinophilique (Arch Demartol, 1996): parfois révélatrice du syndrome, elles sont spécifiques en histologie (infiltrat massif d’éosinophiles); ces érosions peuvent atteindre toute la muqueuse buccale et le traitement est symptomatique.
-  Ulcères à éosinophiles de la muqueuse buccale (J Am Acad Dermatol, 1995) : l’atteinte est essentiellement localisée sur la langue; ces ulcères apparaissent comme des nodules plutôt que comme des aphtes et on note un infiltrat à éosinophiles en histologie.

L’étiologie est inconnue; ces lésions régressent spontanément et le traitement est symptomatique.
- leucoses;
- GVH;
- syndrome de Fissinger-Leroy-Reiter;
- Artérite de Horton;
- nécrose ischémique;
- gingivite ulcéro-nécrotique (Streptococcique ou association fuso-spirillaire de Vincent) : fréquente chez le patient HIV, elle se présente comme une périodontite avec possibilité de cellulite; le traitement consiste en l’association de pénicilline et de métronidazole (Flagyl®).




Traitement

Il n’y a pas de traitement spécifique
- Techniques «reconnues» :
- traitements locaux associant des propriétés antalgiques et antiseptiques en comprimés, lotion, gel, spray.
Exemples : Xylocaïne® gel, Buccalsone®comp, Buccosan® comp, Golaseptine®comp, Hibitane® comp, Pyralvex®, Lotagen®, Hexomédine® spray…
- traitement dentaire et prothétique
- «Autres»:
- efficaces (?) : tamponnements de tétracyclines, pansements gastriques (Maalox® , Ulcogant® ,…)
- dangereux (?) : cautérisation, cryothérapie, laser, acide trichloracétique…


APHTOSE - APHTES RÉCURRENTS-BEHÇET

Le problème de l’aphtose ou des aphtes récurrents est le diagnostic différentiel avec la maladie de Behçet. En moyenne, celui-ci n’est souvent posé que sept ans après le dé- but de l’aphtose.
Pour évoquer le diagnostic de maladie de Behçet, il faut:
- des aphtes récidivants (au moins 3 poussées par an). et deux autres symptômes:
- aphtes génitaux récidivants;
- atteinte oculaire (uvéite - iridocyclite);
- Hypersensibilité cutanée : au point de piqûre (à faire au sérum physiologique), haute valeur diagnostique si (+).
Les autres critères (mineurs) augmentent la probabilité :
- thrombophlébites;
- pustules (pseudo-folliculites) = vascularite leucocytoclasique;
- érythème noueux (pseudo-érythème noueux);
- placards acnéiformes;
- arthrite;
- atteinte cardio-vasculaire, rénale, digestive, pulmonaire;
- HLA B5: non spécifique.

Autres causes d’ulcérations récurrentes/chroniques:

- entéropathies inflammatoires (Crohn, recto-colite, maladie cœliaque).
- neutropénie cyclique (idiopathique ou chimiothérapie).
- déficit vitaminique (+ muqueuse linguale lisse) : fer, B12, acide folique, zinc.
- tumeurs bénignes et malignes (carcinomes, mélanome,…)


Traitement de l’aphtose

- Supprimer les facteurs déclenchants alimentaires.
- Traitement préventif.
- Cortisone : n’est pas possible en continu ; utilisation des «bolus» IV (IM)
• méthylprednisolone, 0,5 à 1 mg/kg/j, 3 à 7 jours
- Colchicine : résultats inconstants, prise au long cours (3 à 6 mois minimum)
•1 mg/j
•effets II: essentiellement : diarrhées (10 %) neutropénie (1 %), éruptions (1 %)
•Contre-indications : grossesse, insuffisance rénale et hépatique, maladies digestives.

- Sulfone : efficacité moyenne, souvent décevant
•50 à 150 mg/j à débuter progressivement
•effets II: anémie hémolytique systématique (déficit en G6PD!), neutropénie, agranulocytose, polynévrite (prise chronique)
- Thalidomide : effets spectaculaires, indication réservée
•cure d’attaque : 50 à 100 mg/j (jusqu’à 300 mg/j) entretien : 50 mg 3x/semaine
•effets II : tératogénicité, somnolence (rare avec 50 mg, constante avec 100 mg), neuropathies périphériques surtout sensitives (pas toujours liées à la dose cumulative).


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES


- KUFFER R. - Muqueuse buccale, Dans: Dermatologie et vénéréologie, SAURAT J.-H., GROSSHANS E., LAUGIER P., LACHAPELLE J.M., Masson, Paris 2e édition, 1990, pp. 647- 668
- KUFFER R. - Les aphtes et leurs traitements. Enseignement post-universitaire, Journées dermatologiques de Paris, mars 1990

- VAILLANT L., HÜTTENBERGER B. - Pathologie buccale. Enseignement post-universitaire, Journées dermatologiques de Paris, novembre 1996.
- CASTANET J., LACOUR J.PH., PERRIN C., ORTONNE J.P. - Les nouvelles maladies. Enseignement post-universitaire, Journées dermatologiques de Paris, novembre 1996



1 commentaire:

  1. problêmes de brulure buccale et production de salive important d'un côté de la bouche plus que l'autre,perte du goût,aphtes ,remontées acide,très invalidant que faire
    merci

    RépondreSupprimer